L’opération « Tiger », avril 1944

Dès 1942, les États-Unis envoient des contingents au Royaume-Uni. Pour cela, il leur faut traverser l’Atlantique et braver la menace des U-Boote allemands. Ils mettent en œuvre un plan logistique, l’opération Boléro – baptisée ainsi en référence à l’œuvre de Ravel –, qui leur permet d’acheminer de plus en plus de troupes de l’autre côté de l’Atlantique. Au printemps 1944, plus de 1 500 000 soldats américains sont stationnés en Grande-Bretagne afin de participer au Débarquement.

Mais les troupes qui doivent être engagées manquent d’expérience. Ainsi, sur les 25 divisions britanniques présentes en Grande-Bretagne, seules cinq ont déjà combattu. La proportion est encore plus faible pour les unités américaines et canadiennes. Le sol britannique se transforme donc en un vaste camp d’entraînement.

Les rivages anglais, gallois et écossais permettent notamment de s’exercer aux manœuvres amphibies. Ainsi, entre le 22 juillet et le 5 août 1943, les Britanniques organisent un exercice – nom de code Jantzen – dans la baie de Carmarthen, au pays de Galles. Les Alliés mènent d’autres répétitions de débarquement : Duck I (4 au 6 janvier 1944), Duck II et Duck III (février 1944), Beaver (27 au 31 mars), Tiger (22 au 30 avril), Fabius I-VI (3 au 7 mai) ou encore Eagle (9 au 12 mai).

L’opération Tiger est organisée du 22 au 30 avril 1944 dans le sud-ouest de l’Angleterre, à Slapton Sands, afin de préparer le Débarquement des unités affectées à Utah Beach : la 4th Infantry Division du général Raymond O. Barton (VII corps américain du général Joseph L. Collins) ou la 1st Engineer Special Brigade.

La matinée du 27 avril est marquée par un premier drame. Un croiseur britannique, le HMS Hawkins, doit mettre en situation les vagues d’assaut et donc bombarder la plage. Mais, à cause de retard et de problèmes de communication, ses tirs touchent les hommes qui débarquent sur la plage.

Plus tard dans la journée, un groupe de navires de transport, des Landing Ship Transport (LST), le convoi T-4, appareille de Plymouth. Il doit passer autant de temps en mer qu’il en faudrait pour traverser la Manche. L’objectif est de mettre en conditions les marins et les soldats qu’il transporte. Dès le départ, le convoi perd un bâtiment chargé de l’escorter, le HMS Scimitar et ne dispose plus que du HMS Alizea, une simple corvette, comme navire de protection.

Dans la soirée, des vedettes rapides allemandes, des Schnellboote, quittent Cherbourg. Le convoi T-4 est repéré et, le 28 avril, entre 1 et 2 heures du matin, une première torpille est tirée sur le LST 507. Sur ce dernier, le branle-bas est sonné. À 2 heures, une torpille frappe le LST 507. Dix minutes plus tard, le LST 531 est aussi attaqué. Le LST 289 est touché. Ses occupants sautent dans l’eau glacée. Les autres navires du convoi ripostent mais, dans la confusion et l’obscurité, des tirs amis se produisent.

Emplacement de l’attaque du convoi T-4, carte extraite de Halais, Jérémie, D-DAY. L’essentiel du Débarquement et de la bataille de Normandie, Bayeux, OREP éditions, 2023

Le bilan officiel est terrible : 198 marins et 441 soldats tués, soit 639 hommes. Il demeure cependant incertain. Ainsi, le nombre gravé sur le monument à Slapton Sands est de 739 morts. Le commandement allié fait tout pour que la nouvelle ne s’ébruite pas. Eisenhower et l’amiral Ramsay sont préoccupés par la perte des trois LST, indispensables pour Overlord. Ils sont aussi inquiets par la disparition d’officiers classés Bigot, c’est-à-dire détenteurs d’informations secrètes en lien avec le Débarquement.

Pour aller plus loin :

  • NARA, RG 38, World War II War Diaries, Other Operational Records and Histories, 1942 – 1946
    • COM GR 2, 11th PHIBFOR, war diary, 3 février au 30 avril 1944 ;
    • Admiralty war diaries, 1er au 30 avril 1944 ;
    • USS LST-496, report of action, english channel, 28 avril 1944 ;
    • World War II Oral Histories, Interviews and Statements, Lt James F. Murdock, USS LST 507.
  • Lewis N., Exercise Tiger: the Dramatic True Story of a Hidden Tragedy of World War II, New York, Prentice Hall Direct, 1990.
  • Prime Christophe, Utah Beach. Mardi 6 juin 1944, Bayeux, OREP Éditions, 2019.
  • Halais, Jérémie, D-Day. L’essentiel du Débarquement et de la bataille de Normandie, Bayeux, OREP éditions, 2023.

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